dimanche 21 mai 2017

Du bon usage des indicateurs de qualité et de performance

On peut rencontrer dans la plupart des organisations des indicateurs, des systèmes de mesure et de notation qui sont des instruments de compréhension, de modélisation et de prévision, mais aussi de pouvoir, de contrôle et malheureusement parfois de coercition.

Lorsque j'ai découvert le pouvoir des systèmes de notation, j'ai d'abord été terrifié et révolté. L'illustration la plus spectaculaire de cette puissance est peut-être l'influence des agences de notation financière. On a vu des chefs d'état se sentir obligés de s'expliquer sur une "mauvaise note" comme des écoliers, ou encore infléchir leurs politiques économiques dans le but de les "améliorer". Beaucoup d'acteurs et d'observateur ont relativisé l'importance de ces notes, mais on a trop peu souligné leurs défauts les plus importants : leurs caractères partiel et partial.

Partiel car ces notes ne qualifient que certains aspects bien précis de l'économie d'un Etat, et oublie certains aspects essentiels : cohésion sociale, qualité de vie.

Partial car elles reflètent avant tout les besoins de leurs concepteurs : obtenir un retour sur investissement à court terme.

Choisir des métriques de performance, c'est donc choisir un modèle de société, plus ou moins progressiste, plus ou moins juste, plus ou moins tourné vers le long terme.

Un usage à la fois plus constructif et plus ambitieux politiquement consisterait à définir démocratiquement des métriques d'intérêt général (IDH, autre système de notation légitimé par un vote), puis à comparer celles-ci sur des entités A et B, et enfin à rechercher sur le terrain les explications de l'écart constaté, afin d'apporter à l'entité la moins bien notée des connaissances et des outils lui permettant de rejoindre l'autre. Si la métrique choisie est bien d'intérêt général, les résultats de cette approche peuvent mener à des optimisations progressistes intéressantes.

Un débat "Pour ou contre l'existence des notes ?", ce serait donc un peu "Pour ou contre le couteau de cuisine ?". On peut les utiliser pour confectionner des recettes 3 étoiles, mais elles peuvent aussi blesser gravement.

Efforçons-nous donc d'élaborer et d'utiliser les métriques avec une plus grande conscience humaniste.

Si l'on inventait le couteau de cuisine aujourd'hui, on imaginerait peut-être une lame capable de détecter un corps humain et de changer de forme ou de se rétracter à son contact. Ne pourrait-on pas assortir tout système de notation d'une mention : "A utiliser avec précaution, toujours s'assurer qu'aucun être humain ne se sente réduit à une note. Ne pas faire un usage coercitif." ?

La liberté consisterait donc non seulement à refuser de se laisser réduire à une ou plusieurs notes, mais également à imaginer sans cesse de nouvelles métriques correspondant à des besoins humains définis collectivement.